Crédits vidéo Clément Sellin et Les Soniques
En partenariat avec Les Laboratoires d'Aubervilliers
La beauté cruelle du détournement
Chroniques Soniques, film conférence (2009) de Caïus Locus (Kid Loco) et Niccolo Ricardo (Nicolas Richard) (60 mn)
+
L’Anticoncept (1951) de Gil J Wolman (extrait)
Les Laboratoires d'Aubervilliers
11 octobre 2010
Adapté de leur livre monstre Les Soniques (éd. Inculte – collection afterpop), le film Chroniques Soniques prolonge le « Mode d’emploi du détournement » de Gil J Wolman et Guy Debord. Ouvertement dans une filiation post-situationniste, ils (Kid Loco et Nicolas Richard alias Caïus Locus et Niccolo Ricardo, alias Les Soniques) utilisent le film essai, sur un ton de critique encyclopédique des mœurs et des usages contemporains. L’apport expérimental de ce film est le passage du montage au mix. Les images de la culture de masse, de l’idéologie pop, sont détournées (clips, icônes rocks, pubs de la vie moderne, marchandisation mondiale) au profit d’un discours du mixage des genres. L’angle d’attaque, comme pour Wolman, réside dans la modélisation du médium, du volume sonore, de la persistance musicale, avec une ironie savante dans ce que les Soniques nomment l’ars sonica. On retrouve la même virulence politique, que celle des premiers lettristes, dans cet art des formes portées à leurs extrêmes. La force du mixage, mise au service d’une analyse critique de la société.
Film pré-situationniste, L’Anticoncept de Wolman fut immédiatement interdit par le comité de censure en 1952 ; sa clandestinité allait durer une trentaine d’année. L’arrêt de la préfecture, une fois levé, ne révèlera aucune raison précise quant à cette interdiction. C’est la forme, violente, radicalement anti-cinématographique, qui fut sans doute la raison du scandale.
Il s’agit pourtant de l’un des films parmi les plus importants de l’histoire du cinéma. Projetés sur un ballon d’hélium, des cercles noirs et blancs, alternent à des rythmes stroboscopiques. Tandis qu’un texte essai, poème, biographique, scientifique, vient percuter la masse visuelle de stridences sonores. Wolman achève et dépasse tout film possible, dans le même temps qu’il revient aux origines du cinéma de Marey et Muybridge. Force physique, hypnotique, s’attaquant au système nerveux, L’Anticoncept fut conçu dans les périodes de « Dérives » entre Paris et Aubervilliers ; ville où il fonda l’Internationale Lettriste avec Guy Debord. Celui-ci écrira : « L’Anticoncept est en vérité plus chargé d’explosifs pour l’intelligence que l’ennuyeux camion du Salaire de Clouzot ; plus offensif aujourd’hui que les images d’Eisenstein dont on a eu si longtemps peur en Europe. »